Ayant dû avoir recours à la procréation assistée pour tous mes enfants, j’ai eu un suivi plus rigoureux que la majorité des mamans, surtout en début de grossesse. À quelques semaines de gestation, j’ai donc eu droit à une échographie qui a permis au médecin de déterminer que j’avais deux sacs amniotiques et deux foetus. Wow, des jumeaux. On ne pouvait pas dire qu’on ne s’y attendait pas du tout, on m’avait quand même placé deux embryons dans la bedaine (dans le temps, ils faisaient ça pour augmenter les chances de grossesse, mais c’est évident que ça augmentait aussi les chances de grossesses multiples). Des jumeaux !!! Entre l’excitation d’être enfin enceinte et la crainte de la charge supplémentaire de porter non pas un, mais deux enfants, il y avait également la confiance que tout allait bien aller, qu’on était fait forts, qu’on était une équipe à l’épreuve de tout, qu’on pourrait surmonter tous les obstacles.
À notre échographie de 12 semaines, on arrive à la clinique, confiants et curieux de voir nos 2 amours. On attend dans la salle d’attente pendant que je flatte mon ventre qui n’a pas encore montré le moindre signe qu’il porte en lui la vie et notre prochain défi. On attend et commence à trouver le temps long. On regarde la télévision de la salle d’attente qui nous montre le cycle de reproduction de différents animaux. On trouve ça assez étrange pour la salle d’attente d’une clinique de fertilité, quoique, avouons-le, assez concept. Quand la porte s'ouvre et qu’on croit que c’est notre tour, un couple en sort. La femme pleure à chaudes larmes et l’homme a les yeux rouges, mais tient fermement les épaules de sa conjointe qui semble prête à s’effondrer. C’est difficile à ce moment de ne pas imaginer tous les scénarios de catastrophe pour ce couple et de ne pas imaginer les pires pour nous aussi.
Le couple est sur le point de quitter quand notre tour arrive. La technicienne nous rencontre et nous fait un léger sourire. Elle sait bien qu’on a hâte et qu’on est excités de voir nos futurs bébés en progression, mais on est finalement un peu plus insécures après la sortie du couple juste avant nous. Elle met le gel sur mon ventre, passe l’appareil près de mon nombril…un bébé. Elle passe vers mon côté droit, sur mon côté gauche, en haut… elle passe partout. Il n’y a qu’un bébé. Il est bien là, bien formé, avec tous ses membres et un petit cœur qui bat à toute allure, mais il est seul. Partagée entre la joie d’avoir ce qui semble être une petite fille en pleine santé et le deuil d’avoir perdu le deuxième qui y était il y a à peine quelques semaines, je reste plutôt neutre. Je prends plusieurs inspirations, regarde mon chum et lui dit en souriant, «Au moins il en reste un ? Ce sera probablement beaucoup plus facile que d’avoir des jumeaux». La technicienne expire et réplique «Fiou, je suis contente que vous le preniez aussi bien, j’aurais mal pris d’être obligée de donner deux mauvaises nouvelles de suite.»
Somme toutes, je suis sortie de mon rendez-vous heureuse et confiante en notre futur. J’ai tout de même eu une petite pensée pour le couple avant nous qui n’avait pas eu cette chance. J’espère sincèrement que depuis le temps, ils ont récupéré le sourire et leur souhaite même le plus beau bébé du monde. Je leur garde un merci secret pour m’avoir permis cette journée-là de réaliser toute l’ampleur de la phrase «Un, c’est mieux que rien».