Le 9 avril 2020, en contexte de pandémie et de confinement, mon grand-papa est parti. Je vous rassure, il n’était pas atteint du coronavirus. Mon grand-papa était l’ombre de lui-même depuis plusieurs mois et malgré la tristesse de savoir le pilier de la famille parti à jamais, c’est avec soulagement que nous savons qu’il est parti pour mieux, tellement mieux.
Mon grand-père était un homme de la terre, un homme des bois. Dans la magnifique région du Bas-St-Laurent, il cultivait le blé et le foin. Il s’occupait avec amour et respect de ses vaches laitières et de leurs petits veaux. Pas pour rien que son lait était le meilleur dans toute la région, il y avait tellement d’amour là-dedans!
Grand-Papa était un homme des bois. Il a bûché son bois pratiquement jusqu’à la fin. La forêt le lui rendait bien parce qu’il en prenait grand soin. Encore aujourd’hui, la terre familiale regorge de belles forêts de bouleaux et de sapins à travers les champs à perte de vue. Les soirs, les couchers de soleil rendent l’endroit merveilleux, magique. Du haut de la côte, on le voit se coucher sur le fleuve. En même temps, si l’on tourne dos à ce magnifique spectacle, on voit les étoiles s’allumer une par une.
Grand-Papa Paul, comme l’appellent ses arrière-petits-enfants, était un homme de tradition, un rassembleur, un homme qui mettait la famille en avant. Nous sommes éparpillés partout à travers la province et en Ontario. Malgré la distance et les rencontres trop peu nombreuses, nous sommes extrêmement proches. Nous l’avons toujours été, même avant les réseaux sociaux et les nouvelles technologies. Ce sont mes grands-parents qui ont instauré ça. Il y a une maison et un chez-soi. Chaque membre de notre famille possède sa maison, mais nous avons tous le même chez-soi. Et c’est un endroit magnifique! Un endroit à faire rêver, les deux pieds bien ancrés dans les traditions familiales. On décroche du stress, du travail, du «vite, vite, vite... tout de suite!» et on s'accroche aux valeurs profondes que sont la famille, l'amour et le plaisir. On s'accorde aux mouvements des marées et du soleil...
Seulement, la vilaine vieillesse, celle qui éteint les regards et laisse les douces paroles remplies de sagesse s’éteindre sur le bord des lèvres, s’est emparée de mon grand-papa. L’homme des bois, l’homme de la terre, l’homme des grands, grands espaces est parti pris entre 4 (tout petits) murs de CHSLD.
Nous, la famille éparpillée partout mais tissée si serrée, avons vécu ce triste événement chacun de notre côté. Et c’est le plus difficile : ne pas pouvoir sauter dans la voiture, rouler jusqu’à Saint-Anaclet-de-Lessard et attendre en famille, se remémorant de doux souvenirs, marcher dans la forêt encore pleine de neige pour y trouver la paix. Nous ne pouvons nous rassembler dans notre chez-soi. Nous sommes pris chacun dans nos maisons.
Au moins, le CHSLD a permis à ma grand-maman et à son plus grand garçon d’être présents, étant donné qu’il n’y avait aucun cas de coronavirus dans l’établissement, ni dans la résidence où vit ma grand-maman. Ils ont pu être ensemble. Les piliers, les fondations de cette famille. Les deux avec qui tout a commencé. Alors, grâce à ce petit miracle de permission, le chez-soi s’est déplacé. Il s’est rapproché de toutes nos maisons et tout d’un coup, nous étions tous là, ensemble.
Parce que l'amour, lui, voyage sans arrêt, sans frontières et sans barrières. Il n'est jamais confiné. Même avec des régions éloignées et fermées, des barrages routiers. Même avec un vilain virus qui nous oblige à rester à la maison.
Même sans pouvoir être physiquement ensemble, nous étions tous là. De l'Ontario à Rimouski. L'amour a pris la 401 et la 20 jusqu'à la 132.
L'Homme de famille est parti. Entouré de son Amour et de son garçon, supporté et aimé (à distance) par ses 4 autres enfants, par ses brus et son gendre, par ses 10 petits-enfants et ses 9 arrière-petits-enfants. Il a franchi la porte où l'attendait, j'en suis certaine, un petit tannant à lunettes, sourire aux lèvres. Le 11e. (Hey GrandPa!)
Bon voyage mon grand-papa. Je suis persuadée que tu as retrouvé ta belle et grande forêt avec beaucoup de beau bois à bûcher, tes champs à perte de vue et tes couchers de soleil sur le Fleuve Saint-Laurent, celui où on ne voit pas la rive de l'autre côté. Le plus grand, le plus beau.
Je souhaite qu’il y ait du bon pain frais avec du beurre, des chaises berçantes, du petit gin et du Canadian Club…
Et aussi des Corn flakes. Plein, plein de Corn flakes avec du lait direct de la « tink ». Tu sais, le meilleur. Celui rempli d’amour.
Je t'aime, nous t'aimons.
N.B. La photo représente un coucher de soleil que l’on peut admirer sur la terre familiale… Bien que magnifique, elle ne représente qu’une parcelle de la beauté réelle de ce spectacle…