Depuis toujours j’aime voir les maisons, je rêve en regardant les magazines de design. J’imagine tout ce que je ferais si l’argent n’était pas compté, puis je regarde autour de moi; un endroit tout autre… Ma maison, je ne l’ai pas choisie, l’occasion s’est présentée, puis la vie nous a de fil en aiguille laissé là plus longtemps que prévu.
Plus jeune, j’idéalisais les belles grandes maisons, propres et bien rangées. Chez moi, c’est plus comme un big bang du style… Je n’ai jamais pu tout changer en même temps donc il reste des vestiges de chacun des styles qui m’ont fait envie dans les 16 dernières années, mes planchers ont même dans leurs meilleurs jours des traces d’un truc non identifiable échappé et essuyé au bas par mon ado, ou encore plein de sable venu tout droit de notre creuseur professionnel Forest le chien golden qui aime aussi laisser son poil partout… partout!
Ma fille, une grande passionnée des animaux, a au fil des années multiplié les copains à poils et même à pics… Bien sûr, elle s’occupe de tout ce beau monde (2 chats, un chien, 2 rats, 2 betas et un hérisson), c’était une condition, mais avouons-le, ces petites bêbêtes prennent de la place…
Le garde-robe d’entrée (les autres aussi) finit par vomir des manteaux ou des bottes, y’a des factures et des papiers à signer pour l’école qui couvrent en continu un bout de ma table et le linge d’un panier à un autre semble ne jamais être en entier dans les tiroirs (j’en viens à soupçonner qu’un jour, si je venais à réussir à tout laver-plier-ranger, j’aurais des tiroirs manquants).
J’ai repeint les chambres d’enfants 3 fois chacune depuis leur naissance, mais la mienne, je l’endure depuis des années. Je rêve parfois d’un havre de paix, mais ma chambre semble plutôt le point tournant de la danse éternelle des vêtements… Y atterrissent en grand nombre les vêtements trop petits ou à réparer, panier à plier et triage de saison. Chaque fois que je crois avoir le contrôle, les feuilles tombent, la neige arrive, la chaleur prend sa place et hop je dois relaver, retrier et encore ranger…
Dans la maison de mes rêves, il y a beaucoup de boiseries et de belles grosses moulures. Chez moi, j’ai bien sur des moulures, mais la boiserie la plus spéciale est celle qui sert à marquer les mesures de croissance, bien en vue entre le salon et la cuisine.
16 ans plus tard, la maison de mes rêves m’intéresse de moins en moins. J’aime ma mini hypothèque et sans trop que je ne réalise sur le coup, les moments vécus ici ont fait de cette maison mon foyer, ma vie. Un peu comme si à force de traits de crayons sur les moulures, à force de chandelles soufflées dans notre cuisine, à force de remblayer les trous que mon chien fait lors de ses tentatives multiples à découvrir un passage secret vers la Chine, cette maison était devenue une partie de nous.
Avec les étapes qui défilent, j’ai pu y vivre mes premiers jours en tant que maman, en tant que femme mariée, j’y ai dansé et vu les premiers pas de mes enfants, j’y ai cuisiné des purées autant que des repas délicieux, j’y ai pleuré et ri aux larmes, j’y ai vécu ma vie, notre histoire. Ces murs ont vu tout ce qui fait de moi ce que je suis.
Longtemps, j’ai désiré la maison de mes rêves, mais maintenant je sais que le lieu n’a pas d’importance et que c’est plutôt ce qui s’y passe et l’amour qu’on y vit qui font que la maison de mes rêves est plutôt celle de ma vie.
L’auteure de ce texte est une femme bien spéciale à mes yeux. Dans sa fougue je me retrouvais, dans sa passion je me retrouvais...dans sa maison je me retrouve. Je parle au passé car la vie nous a amené sur des routes différentes mais elle garde une belle place dans mon cœur.
J’ai pris conscience, il y a quelques années, que je ne savais pas rêver. Mais rêver d’une maison parfaite, à l’image des magasines où il fait bon vivre et circuler sans contourner les obstacles...ça je savais. Je savais à ce point que j’en étais venue à ne plus souhaiter de visiteurs dans mon domaine de l’imperfection. Mais oui Marie, cette maison pleine de cicatrices du temps, cette maison c’est ma vie. Chaque millimètre de ma maison je la connais. Et même si les rangements débordent et que le poil de chat me fait douter qu’il n’y en a que deux, c’est notre vie à nous qui s’est créée ici, dans ces murs. Merci Marie, ton texte me touche énormément...me rempli d’émotions, de fierté, d’un regard neuf sur ce beige qui reviendra sûrement à la mode. 🙏🏻
Oh Joane ça me touche beaucoup! Merci !!!