Ça s'est glissé tout doucement dans nos vies, tranquillement, lentement. Comme si la vie ne voulait pas frapper trop fort. Comme si la vie savait qu'on avait déjà eu plusieurs coups durs. Que c'était trop pour nous, mais apparemment, on est encore capable d'en prendre.
C'est apparu, un soir ou un matin. En été ou en hiver, je ne sais plus. Un jour, on l'a remarquée : une petite bosse en dessous de ton œil. Tu nous as posé des questions. Selon nous, ça ressemblait à un petit bouton.
Cependant, ça ne s'en allait pas. Ça grossissait, ça changeait de forme. On a consulté. On s'est fait dire d'attendre, que ça allait partir tout seul, mais non. Ça ne partait pas. Ça s'accrochait à toi. Nos inquiétudes se sont avérées fondées. D'un spécialiste à un autre, nous nous sommes retrouvés dans le bureau d'un chirurgien à plus de 250 km de la maison.
Dans la salle d'attente, j'étais angoissée, mais toi, tu souriais. À 9 ans, tu ne réalises pas l'ampleur de ce qui ce passe. Le médecin était gentil, rassurant. Il essayait de te faire sourire. Puis, il a prononcé des mots. Des mots qui ont résonné dans ma tête, qui ont fait battre mon cœur si fort, qui m'ont fait chavirer l'estomac. J'ai retenu mes larmes. J’ai caché mon inquiétude. Je l'ai écouté attentivement prononcer ces mots : masse suspecte, chirurgie, cancer possible.
Puis, nous sommes retournés à la maison. Cette masse se modifiait, grossissait, rapetissait, élargissait. Tu as dû subir plusieurs tests. L'attente pour l'appel de la chirurgie nous a paru une éternité.
Puis un jour, le téléphone a sonné. Nous sommes repartis. Loin de la maison, loin de ton lit, loin de tes frères et de ta sœur. Nous avons dormi à l'hôtel. Toi, tu n'as pas fermé l'œil de la nuit. Tu étais inquiet et je me sentais si impuissante. Papa t'as pris dans ses bras.
Le lendemain matin, nous sommes arrivés très tôt à l'hôpital. Les infirmières t'ont préparé pour ta chirurgie. Nous sommes montés au bloc opératoire. Tu as rencontré une infirmière, une inhalothérapeute, une anesthésiste et une résidente. Puis le chirurgien est arrivé. Il t'a parlé. Il a fait quelques blagues pour te détendre. Mais moi, je les connais tes yeux. Même si tu fais ton garçon brave, je connais ton petit cœur tendre et sensible. Je le sais qu'au fond de toi, tu es mort de peur.
Et le médecin a prononcé à nouveau le mot cancer. Devant toi. J'avais mal. J'avais envie de te serrer si fort dans mes bras. Il a parlé de traitements de radiothérapie. Je ne pouvais pas croire que j'étais en train d'entendre ces mots-là. Je t'ai tenu la main très fort. Je t'ai dit que je t'aimais énormément. Puis je t'ai laissé. J’ai attendu.
Dans la petite salle d'attente triste, j’ai expliqué à ton père tout ce que le médecin m'avait dit. Et j’ai pleuré. Je ne pouvais plus retenir mes sanglots. Cette heure d'attente nous a paru interminable. Et finalement, le médecin est arrivé. Il nous a dit que tu allais bien. Et que finalement, ça semblait être bénin.
Bénin. Il a prononcé ce mot avec légèreté. Sans se rendre compte de l'impact que ça avait pour nous. Ce mot m'a tellement fait de bien. La pression est redescendue. J'avais juste hâte de te serrer contre moi et de te l’annoncer. Quelques minutes plus tard, nous avons pu te voir et ce fut un des plus beaux moments de ma vie.
Un moment où j’ai réalisé l'importance de la santé. L'importance de te voir débordant d'énergie, courir, grimper, crier, rire, danser, jouer.J’ai eu si peur. Peur de ce qui pouvait arriver. Peur de te perdre. Peur de te voir malade.
Mais aujourd'hui, la vie nous a fait un beau cadeau : celui de te garder en santé.
J’en suis extrêmement reconnaissante.