Ca a commencé dans mon enfance. À l’époque où mes parents oubliaient, l’espace d’une querelle, qu’on existait. Les cris, l’engueulade qui s’envenimait, mes parents qui étaient plus occupés à se détester qu’à s’occuper de nous. Le temps que ça se place, j’étais celle qui prenait soin de mes sœurs. J’étais la maman le temps de quelques jours.

Et puis, ça s’est transposé dans mes relations amicales. Toujours celle qui est là pour aider. Toujours celle qui va donner son jouet préféré ou inviter les personnes seules à son anniversaire, celle qui dit toujours oui pour faire plaisir quand, dans le fond, j’aurais voulu dire non.

Ça a continué avec mes relations amoureuses, où je laissais les gars me traiter comme ils voulaient si ça pouvait leur faire du bien. C’est à l’âge de 30 ans, après plusieurs dépressions et un diagnostic de TAG ( trouble d'anxiété généralisé) que j'ai cherché à comprendre mon mal et me suis payé une thérapeute. Après 1 an et demi de thérapie, j'ai compris : j’ai le syndrome de la sauveuse! Je suis la femme au grand cœur, la philanthrope, la femme qui voit le bon dans les cœurs mauvais. Je suis aussi celle qui, pour une raison que j’ignore, attire comme un aimant les gens en détresse. Pas juste en détresse, mais ces personnes qui, inconsciemment, ne veulent pas vraiment s’en sortir et qui savent que je ferai tout pour eux et souvent à leur place.

C’est aussi ce syndrome qui m’empêche de laisser la place à papa dans les interventions avec les enfants. J’ai peur qu’il se trompe et qu’il «scrap» mes enfants, ou encore qu’il compromette sa relation avec eux. Alors, maman sauveuse se charge de tout et un moment donné, elle s’effondre de fatigue et se demande pourquoi.

L’affaire avec la sauveuse, c'est qu'à la minute où elle ne peut plus être présente parce que c’est son tour d’être à terre, personne ne l’aide à se relever. On lui reproche même parfois de ne plus être aussi présente. En fait, les gens qui remarquent un peu et qui pourraient l’aider, elle ne les remarque pas parce qu’elle est habituée de voir ceux en détresse, pas ceux qui peuvent la relever. C’est comme si tout le monde méritait l’aide sauf moi.

Et puis, j’ai appris à m’aimer. J’ai appris à mettre mes limites. J’ai appris à dire non. J’ai appris que ce n’est pas ma job de sauver la Terre entière. J’ai appris à laisser papa faire ses apprentissages. J’ai appris à refuser dans ma vie les victimes en quête de sauveur. J’ai appris à m’entourer de femmes fortes et prêtes à me porter secours quand vient mon tour. J’ai appris à donner mon temps aux bons endroits et à prioriser. J’ai appris que d’apprendre à s’aimer et mettre ses limites, bien ça fait fuir des personnes dans nos vies. J’ai appris que je ne suis pas responsable des sentiments des autres. J’ai appris que de faire à la place des autres pour leur éviter la souffrance, bien ça les aide pas pentoute. J’ai appris qu’il y a des gens qui ne seront peut-être jamais prêts à s’aider eux-mêmes. Bref, je me débarrasse tranquillement de ce syndrome nuisible pour ma santé mentale et je me sens libre et légère. Je me sens enfin moi!

Maman Bleue

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