Il parait que 10 à 15 % des femmes vivent avec un trouble que l’on nomme anxiété post natale après un accouchement… Merci aux changements hormonaux qui foutent une pagaille dans nos émotions et qui changent pour un court ou long moment notre perception des dangers… Moi, j’aurais aimé connaitre ce trouble, parce que j’aurais pu comprendre l’irrationnel de mes sentiments sans en avoir honte et surtout sans le vivre toute seule…
L’anxiété post natale, c’est pour beaucoup de femmes un sentiment très fort d’une catastrophe imminente, une impression qu’une situation banale va tourner au cauchemar, une inquiétude constante envers sa marmaille, sans raison…
Enceinte de mon premier bébé, j’ai vécu un traumatisme plutôt troublant… J’ai rencontré un homme qui a modifié mon chemin sans même le savoir. Cet homme me semblait étrange, à la fois intense et à la fois si vide… Il est venu me voir, a touché mon ventre en me disant que c’est tellement précieux la vie… J’étais mal à l’aise, j’essayais de m’éloigner, mais sa présence me dérangeait, pire encore quand j’ai compris la source de mon malaise… Un ami à lui m’a raconté son histoire : cet homme avait accidentellement reculé sa voiture sur son enfant… Le soir chez moi, j’ai pleuré en pensant à lui et pour un bon moment, je n’y ai plus repensé.
Avec le temps, je l’avais oublié sans savoir que je l’avais plutôt caché dans un recoin de ma tête, juste assez dans l’ombre pour ne plus y penser, mais juste assez présent pour qu’il y laisse sa trace insidieusement…
Bébé grandit doucement, je devrai bien un jour le faire garder. Pour une raison que je ne saurais justifier, je n’ai pas envie, non j’ai peur… Je ne profite pas de ce moment de tranquillité, je suis trop inquiète. Au début, je rationalise ce sentiment en me disant que c’est normal, qu’on est séparés si peu souvent, que je suis maman. Puis le temps passe, je me mets à volontairement oublier de laisser le banc d’auto pour éviter que les gardiens ne prennent la route, je reviens le chercher plus tôt ou même j’annule à la dernière minute. Je ne comprends pas mon comportement, mais je récidive chaque fois, la peur au ventre ne s’apaisant pas avec le temps…
Les années passent, j’ai un deuxième enfant. C’est pire… Je n’en parle pas parce que j’ai honte. Mon fils est devenu un petit tannant qui bouge plus vite que son ombre. Aux nouvelles, une femme a reculé sa voiture et tué son enfant… L’anxiété latente reprend toute sa place… Je n’arrive plus à partir en voiture sans vérifier 1000 fois que je n’ai pas roulé sur mon enfant, je dois parfois m’arrêter en chemin pour m’assurer que tout est ok, comme si c’était possible de rouler sur un enfant sans s’en rendre compte. Réveille la mère, ça ne va plus…
Les années passent puis ça diminue, puis ça revient quand je pars en marche arrière et qu’un morceau de glace se détache de ma roue, quand j’ai moins dormi, quand je vis un stress. Puis après un temps, ça passe complètement… Puis boum ! Aux nouvelles, encore une fois, un parent recule sa voiture sur son enfant. Rien ne va plus…
L’été, j’oblige mes enfants à rester sur la galerie le temps que je quitte la maison, même quand je suis en marche avant. Mon plus vieux a 10 ans…
Je me mets à appeler à la maison une fois que je suis au boulot pour valider que tout est ok … Mon chum devient suspicieux. Je ne me sens pas bien et je finis au bout de 10 ans par en parler à une amie… Elle me laisse vider mon sac, me dit que je devrais peut-être consulter. Moi? Consulter??? Puis j’ai compris, je me suis rappelé ce jour 10 ans avant, où j’avais vécu ce malaise enceinte de mon premier. Ce soir où j’avais réalisé pour la première fois cette grande responsabilité que seraient mes enfants. C’est en plein ce moment qui a ouvert une brèche dans ma tête, que l’anxiété post natale a bien su ouvrir.
Mes psychologues ont été mes collègues adorables et mes amies. Mais si j’avais su il y a 10 ans, j’aurais pu m’éviter tout ce stress, cette anxiété…
J’ai toujours peur pour mes enfants, je suis une maman louve, que voulez-vous, mais aujourd’hui, je sais très bien que ce que je ressentais n’était pas normal, était irrationnel. Puis chaque fois que je pars en reculant ma voiture, je me rappelle à quel point la vie sait être ironique, maintenant que je vais bien, j’ai enfin une caméra de recul!
P.S. : Rien n’était visible pendant toutes ces années. J’avais l’air bien normal… Donc si tu fais partie du 15 %, n’aie pas peur, tu n’es pas seule!
Bravo pour ton courage et surtout, merci!
Merci beaucoup!