Lentement, tu t’en vas. Tu t’effaces au ralenti, un peu plus tous les jours. Tu t’embrouilles, tu t’estompes, jusqu’à en devenir invisible. Dorénavant, tu es là, mais ta tête est ailleurs.
Les dates, les souvenirs, la chronologie des évènements, même les noms… ils s’effacent tous un à un de ta mémoire.
Aujourd’hui, grand-papa, tu as oublié le nom de mon petit dernier. Ce n’est pas grave, tu sais. Mais ça me rappelle que la maladie progresse, beaucoup trop vite…
Aujourd’hui, grand-papa, j’ai été voir ton ancienne maison. Je me suis rappelé tout ce qu’on a vécu ensemble. Je me suis rappelé mon grand-père, à peine grisonnant et avec l’énergie de dix hommes. Je me suis rappelé tout ce que tu as fait pour mes frères et moi, l’importance du rôle que tu as eu dans notre enfance. Je me suis rappelé à quel point tu étais le centre de notre grande famille, le ciment qui nous soude tous ensemble. Je me suis rappelé un grand-père fier, fort et blagueur. Je me suis rappelé les heures que tu as passées à me bercer, les nombreuses fois où j’ai couru te sauter dans les bras, nos cornets trempés dans le chocolat, nos ballades en ski, tes parties de baseball, tes «tournées» de catalogues et tellement plus encore…
Aujourd’hui, je réalise que tu es à mille lieues de tout ça. Et ça fait mal. J’ai toujours redouté de te perdre. La simple idée que tu mourrais un jour arrivait à m’arracher des larmes automatiquement.
Aujourd’hui, je réalise que tu es déjà en train de partir, progressivement. Et j’ai le cœur gros, grand-papa.
Au lieu de t’arracher à nous, la vie te prend par petits bouts. Et c’est à se demander ce qui est pire. Sauf que malgré notre peine à tous, je me dis que c’est pour toi que c’est le pire. Pour un homme si fier, voire orgueilleux, se voir ainsi dégrader est une véritable torture.
J’ignore jusqu’où la maladie te mènera. J’ignore pour combien de temps encore tu te souviendras qui je suis, mais je vais continuer de t’écrire dans chacune de tes cartes que je t’aime si fort, comme je l’ai toujours fait. Je vais continuer à te parler de la même manière, à te taquiner comme avant. Je vais continuer à remercier le ciel de permettre à mes enfants de connaître leur arrière grand-papa.
Alors peu importe le diagnostic, peu importe la maladie, mon grand-papa il est fort, il est fier. Mon grand-papa c’est le plus drôle. Mon grand-papa vaut douze grands-pères à lui seul. Mon grand-papa c’est le meilleur. Point.
Caroline Goudreault