J’écris cette lettre en sachant pertinemment que tu ne la liras jamais. Pas que je n’aurais pas voulu te porter dans mon ventre, pas que je ne voudrais pas repasser par les quelques mois plus difficiles de la grossesse, par les hauts et les bas de l’accouchement ou parce que je n’aurais pas été prête à me lever plusieurs fois dans la nuit pendant des mois…

Tu ne resteras à jamais qu’une silhouette dans mes plus doux rêves parce que le gouvernement en a décidé ainsi. Tu dois te demander en quoi le gouvernement a le pouvoir de choisir si tu vois la lumière du soleil un jour ou non. Les personnes les plus religieuses pourraient dire que seul Dieu a le pouvoir de donner la vie. Et bien dans la société dans laquelle je vis, le gouvernement a en partie pris ce pouvoir. Quand le gouvernement actuel a choisi d’économiser en coupant le programme de procréation assistée instauré par ses prédécesseurs, il choisissait pour moi que tu ne resterais qu’une idée, qu’un souhait inaccessible.

Je comprends que je suis infertile pour une raison qui est inconnue aux médecins. Je ne suis qu’une parmi tant d’autres. C’est certain que je ne suis pas mourante, ni même souffrante. Je suis en bonne santé, donc on ne considère pas que l’assurance maladie doive couvrir mes traitements en fertilité. Avec ce raisonnement je comprends donc que le gouvernement considère que l’infertilité n’est pas une maladie. Pourtant...

Ça n’a pas été facile de prendre cette décision, mais ton papa et moi avons convenu que nous ne pouvions pas payer les traitements de notre poche en n’ayant aucune garantie de succès. Si tu savais à quel point c’est cher. Je vais devoir me convaincre le reste de ma vie que c’est la bonne décision que nous avons prise. Je sais que je ne peux pas me plaindre, puisque j’ai eu la chance d’avoir deux beaux enfants en santé pendant la courte période de temps pendant laquelle le programme a été actif. Je suis chanceuse et je me le rappelle à chaque fois que j’imagine la couleur des cheveux que tu aurais eue ou bien quand je t’entends me fredonner une chanson dans mes rêves éveillés.

Je pense à toutes ces autres femmes, ces wanna be mommy, qui n’auront pas les moyens elles non plus de passer à travers tous les traitements dans les cliniques privées. Toutes ces femmes qui ont tant d’affection à donner et qui ne connaîtront jamais ce que je considère être le plus grand amour de tous. Ça me rend triste de devoir leur dire qu’elles vont possiblement passer à côté de la plus belle expérience de leur vie parce que le gouvernement cherche à économiser quelques sous.

Enfin, mon bébé, je veux que tu saches que même si tu ne vis que dans ma tête je garde l’espoir que si le gouvernement n’a pas voulu te donner à moi, le destin en décidera peut-être autrement…

De Valérie Louise Pesant

One response to “À l’enfant que je n’aurai jamais

  1. Tellement vrai. Une de mes filles a appris qu'elle ne pourrait jamais avoir d'enfants et en même temps que le gouvernement avait cessé la subvention.

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