Alors que la première semaine de ta vie n'a pas été facile, la première semaine d'allaitement non plus. Tu as perdu du poids, tu avais des cristaux urinaires de déshydratation dans tes couches et ta langue était extrêmement sèche malgré tes heures à téter. Nous sommes retournés quatre fois à la maternité pour te peser, pour voir la pédiatre, revoir ta prise au sein... Savais-tu quel était le problème? Ma production tardait et elle ne serait jamais suffisante pour te rassasier complètement, alors nous avons dû compléter avec de la préparation et ce jusqu'au 3.25%. Rendus là : pourquoi continuer?

Parce qu'à ta grande sœur je n'y suis pas arrivée. Je n'ai jamais réussi à prendre sur moi et essayer. Durant mon enfance, on m'a dérobé mon innocence, ma pureté, mon consentement. La personne qui devait tant me montrer à faire du vélo, à rouler mes spaghettis dans une cuillère, celui qui devait me protéger, danser avec moi à mon bal des finissants, m'emmener à l'autel, ce même homme que j'ai appelé Papa. Cet homme m'a plutôt appris la manipulation, la sexualité, à utiliser mes seins et autres parties du corps à ses fins personnels. Combien de temps ma tête allait devoir combattre contre moi-même?

La réponse fut 23 ans, le lendemain de mon 23ème anniversaire, tu as fait ton entrée dans ma vie, ma petite dernière, mon bébé sourire. Durant ma grossesse, j'ai voulu allaiter. Puis, non. Ah et puis oui… Je combattais. Mes pensées m'emmenaient toujours à : « mon corps est un objet sexuel et de plaisir, pas nourricier. » Des personnes ont travaillé avec moi, elles m'ont beaucoup aidée, mais la personne qui a vraiment été ma partenaire là-dedans, c'est toi.

Malgré les problèmes de production, les commentaires des autres, les regards, les jugements, les conseils semi bizarres, je continue, parce que j'ai beaucoup aimé l'aide que tu m'as apportée. Malgré les embûches, la fatigue, que tu sois un bébé à bras, toujours collée sur moi, je continuais. Parce que ce moment entre nous, cet instant bien collées l’une contre l’autre, m'a permis de me voir autrement.

Ce que mon allaitement m'a apporté, c'est une reprise de pouvoir, un nouveau contact avec moi-même. Mon corps n'est pas un objet sexuel, mon corps m'appartient.

Longtemps, mon corps flottait au-dessus de ma tête. Longtemps, mon corps n'était pas mien. Longtemps, mes pensées ont été laides face à lui. Grâce à toi et à notre « moment lacté », j'ai réussi à me redécouvrir et à reprendre possession de mon corps.

Merci infiniment mon bébé. Merci à mon allaitement.

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