Je suis une enfant du divorce. J’ai eu mal. J’ai vécu des chicanes qui ne m’appartenaient pas. J’ai côtoyé la haine de très proche. On m’a éloignée de mon père. On m’a carencée, brisée. J’ai souffert. Y’en a pour qui le divorce n’a aucun effet. Y’en a pour qui ça laisse des marques toute leur vie. Moi je suis de celles-là.

Oh ! Bien sûr, je ne me suis jamais apitoyée sur mon sort. Bien au contraire, j’ai foncé. Je me suis promis à moi-même que je ne deviendrais pas celle-là. Cette mère lâche qui abandonne son homme quand ça va trop mal. Cette mère-là qui ne penserait qu’à elle, celle qui ne supporterait pas de faire les efforts nécessaires pour ramener la barque familiale dans le courant, toute seule.

Moi je serais plutôt celle qui porterait sur ses épaules toutes les douleurs du monde pour éviter à ses enfants cette souffrance de la séparation. Cette incompréhension, cette douleur, ces moments de peine, d’angoisse, de différence. Oui. Je m’étais juré de tout faire pour leur éviter ça. Je leur ai promis à leur premier souffle qu’ON serait toujours près d’eux, ensemble. Qu’on vieillirait main dans la main en surmontant les montagnes qui se présenteraient devant nous. Parce que moi, je ne suis pas lâche. Parce que moi, je suis forte et que je suis capable d’en prendre. Que ce ne sont pas les différends qui me font peur et que j’aime du plus profond de mon cœur. Parce que moi je crois que l’amour et la bonté triomphent toujours. Je crois aussi que plus on aime, plus on s’éloigne de l’échec. Parce que moi, je ne crois pas en la haine et la méchanceté. Parce que moi, je suis naïve peut-être.

Et puis voilà, j’ai reçu une brique sur la tête. Et la masse avec. C’était fini. Huit ans d’amour, trois beaux garçons, des millions de souvenirs heureux, aussi beaucoup de vagues et d’incompréhensions parsemées de multiples compromis qui n’ont mené à rien.

Il a fermé la porte à ma promesse pour eux. Il a fermé la porte à ma famille parfaite. Il m’a fermé sa porte au sens propre et figuré.

J’ai porté sur mon dos toutes les blessures. J’ai enduré des mots qui je n’aurais pas dû entendre. J’ai rampé par terre pour faire taire les chicanes. J’ai aimé passionnément chaque parcelle de son corps et de son esprit. J’ai excusé ses comportements. J’ai épongé son désengagement. J’ai doublement assuré la stabilité. J’ai pris soin de chacun d’entre nous. J’ai cru que c’était ma faute. J’ai changé pour ça. J’ai toujours aspiré à devenir meilleure pour lui plaire. J’ai travaillé plus et plus fort. J’ai mis sur le dos du travail et de la fatigue son absence. J’ai tatoué son nom sur mon cœur. J’ai gravé son odeur dans mon cerveau. J’ai étampé ses empreintes sur mon corps. J’ai aimé de toute mon âme malgré ma souffrance. Mais en vain, je pleure que ce ne soit pas assez. L’amour n’a pas triomphé.

Mes enfants vivront une séparation. Une claque dans la face. Le pire de mes échecs. Ma plus grande crainte.

Trois semaines plus tard. La tête sortie de l’eau. Quelques livres en moins. Les cheveux encore emmêlés par les revers de la tempête. Le souffle plus lent et le cœur blessé par les souffrances inutiles que l’on s’est faites. Avec l’aide des gens qui m’aiment et qui croient en moi. Avec la force qui m’habite depuis que je respire et avec l’amour que je reçois et qui continue d’alimenter mon cœur :

Je leur promets aujourd’hui qu’elle ne sera pas douloureuse. Je leur promets que je ferai tout mon possible pour les épargner. Je leur promets aussi qu’ils seront en sécurité et que rien ne va manquer. Je leur promets d’être encore plus forte et de taire ma colère. De continuer à croire en l’amour même s'il n’a pas triomphé au dernier chapitre. Je leur promets que papa les aime. Que maman les aime plus que tout. Que malgré tout, ils seront heureux. Je leur promets un avenir extraordinaire. Des réussites, du bonheur, des sourires, des passions. Je leur promets la plus belle des vies. Je leur promets d’être là. Bien droite. Les bras ouverts pour écouter leurs peines, leurs joies et leurs colères. Je leur promets tout l’amour qu’ils méritent et la paix intérieure. Je leur promets une maman saine et heureuse pour les accompagner dans chaque petite tempête de leur longue vie.

Je me relève encore une fois. Une dernière fois. Une fois pour toutes. Je me relève pour eux. Pour marcher bien droite. Pour soulever les montagnes qu’on doit tasser pour que nos enfants marchent la tête haute et nagent dans le bonheur.

Parce que je suis une maman. Et qu’ils sont ce que j’ai de plus cher.

Anonyme

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