Il est 3 h du matin et je te regarde dormir. Tu t’es assoupi au creux de mes bras, le ventre bien rempli. Probablement que je devrais profiter de ce moment de calme pour dormir moi aussi, mais cette nuit, j’en suis incapable.

Je t’admire, plongé dans ce sommeil paisible. Tu n’as seulement que 3 petites semaines et je ne peux m’empêcher de trouver que le temps file trop vite. Il me glisse entre les doigts et chaque seconde qui passe me rappelle qu’avec toi, je vivrai toutes les dernières fois.

Tu es mon troisième en moins de trois ans, ce n’est pas rien. Tu es néanmoins le dernier. Celui qui boucle la boucle de notre famille. On s’est entendu sur ce point, ton papa et moi. Maintenant que tu es là, que le deuil de ma maternité s’est amorcé, la pilule est un peu plus dure à avaler.

Je ne peux m’empêcher de penser que plus jamais je ne scruterai minutieusement un bâton de plastique dans l’espoir d’y voir apparaître deux petites lignes. Plus jamais je ne serai aux aguets pour ressentir les premiers soubresauts d’un petit être qui grandit en moi. Plus jamais je n’attendrai avec impatience le jour de l’échographie pour connaître le sexe et choisir un nom.

Plus jamais je ne caresserai mon ventre arrondi par le miracle de la vie. Plus jamais je ne me questionnerai sur le moment où bébé décidera de se pointer le nez. Je ne ressentirai plus jamais l’adrénaline de l’accouchement, le bonheur de savoir que malgré la douleur, tu seras bientôt parmi nous.

Non, tu es mon petit dernier, tout ça est déjà derrière moi et chaque étape que tu franchiras me rappellera que je dois savourer chacune de ces premières dernières fois.

Les premiers sourires, les premiers rires, les premiers gazouillis. Tant de moments qui me font craquer et qui ne reviendront pas. J’ai hâte de te voir découvrir le monde, les saveurs, d’assister à ta soif de nouvelles découvertes. Tu ramperas, marcheras à quatre pattes, puis tu te lèveras debout, comme tes sœurs avant toi. À ce moment, toutefois, force sera d’admettre qu’à partir de là, tu seras de moins en moins bébé et de plus en plus petit garçon. Je n’aurai plus de bébé, jamais.

Sache que je serai toujours fière de toi et de tes réalisations, mais maman essuiera peut-être une petite larme à certains moments marquants. Cette larme sera à la fois teintée de joie et de peine, parce que, tu sais, la vie va trop vite et le temps manque pour profiter de chacun de ces instants qui ne reviendront jamais.

Je voudrais tant recommencer incessamment. Revivre la beauté de chacune des étapes de la maternité, même les moins roses. Les maux de grossesses, les nuits sans sommeil, les pleurs inconsolables et les crises de bacon ne sont rien, comparés à tout le bonheur de vous serrer dans mes bras et de vous voir grandir de si belle manière.

De l’amour, j’en aurais pour mille, mais toute bonne chose a une fin pourtant. Il y a 9 mois, en apprenant ta présence au creux de mon ventre, c’était le début des dernières fois. Et même si j’ai constamment l’impression que tout va trop vite et que chaque dernière fois m’échappe sans que je n’aie eu le temps de la savourer, j’ai la certitude que tes premières fois sauront remplir mon cœur de fierté et que mes dernières fois seront parfaites.

Demain, je te bercerai encore pour te regarder dormir quelques instants de plus. Puis, je me glisserai en silence dans la chambre de tes grandes sœurs pour les regarder dormir à leur tour. Je vous donnerai chacun un baiser sur le front en caressant votre joue.

Maintenant, je comprends tout le sens de l’expression «prendre le temps de prendre le temps». Parce qu’hier ne reviendra pas, faisons-en sorte que chaque journée soit spéciale, que des petites bribes de chacune d’elle reste à jamais gravées dans notre esprit. Ça aide à faire la paix avec les dernières fois.

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