Tout ça a commencé si abruptement. Je crois que jamais nous n’aurions pu nous y attendre et nous y préparer. De jour en jour, les mesures imposées par notre gouvernement ont tranquillement resserré nos libertés individuelles pour tenter d’assurer la sécurité de la population. Jamais je n’aurais pu penser vivre une telle situation. En me rendant au travail tous les matins, lorsque j’en ressors et arrive à la maison, j’ai l’impression d’assister à un film d’horreur où les sentiments de peur, de colère et de tristesse s’entrechoquent au quotidien.
Mon conjoint et moi sommes deux « travailleurs de services essentiels ». Lorsque nous avons pris la décision de confier nos enfants à la famille assurer leur sécurité et leur plaisir, j’ai eu une forte pensée pour les gens du passé, ceux qui ont connu la guerre. Le sentiment plus fort que tout de devoir mettre mes petits à l’abri pendant que moi, la guerrière, dois me rendre au front à tous les jours et continuer un peu comme si rien de tout ça n’arrivait. Cette situation me rend très émotive et l’anxiété me ronge. Mon fils me demande : « quand viens-tu nous voir maman?» et ma fille me dit : « maman, je veux revenir à la maison! » Les larmes montent à mes yeux et roulent doucement sur mes joues. On se doit de les rassurer, de leur dire que tout va bien aller, qu’ils sont là et doivent y rester pour leur sécurité. Pour que ça continue de bien aller.
Quand je regarde les nouvelles, où l’on parle massivement des travailleurs du réseau de la santé et comment ils sont soutenus et encouragés à poursuivre leur combat, j’ai la triste impression que nous, les travailleurs du réseau de la santé ET DES SERVICES SOCIAUX, sommes un peu délaissés ou oubliés. Je pense à mes collègues éducateurs qui doivent composer avec des jeunes tout aussi chamboulés par la situation dans le quotidien. Quotidien réinventé, réorganisé et planifié afin de maintenir un semblant de vie normale, un cadre qui, pour ces enfants, est si important et rassurant. Je pense aux agents d’intervention qui sont là pour soutenir nos équipes d’éducateurs et aider nos jeunes à tenter de mieux se gérer. Je pense à nos employés de l’entretien qui travaillent dans l’ombre mais qui sont tellement importants afin de limiter les risques de propagation. Je pense à mes collègues intervenants sociaux, tous titres d’emplois confondus. Nous devons continuer nos interventions et rencontres dans les milieux déjà fragilisés à la base.
Je pense à nos enfants confinés dans leur milieu, qui, dans le monde d’avant, pouvaient se permettre de baisser leurs défenses, ayant l’opportunité d’avoir plusieurs adultes sensibles à ce qu’ils peuvent vivre. Ils avaient ce qu’on appelle dans notre jargon « un filet de sécurité ». Je pense à ces familles vulnérables qui vivaient déjà des situations difficiles et précaires. Le contexte actuel ne peut qu’augmenter le stress, les tensions et les inquiétudes. Bref, je pense à nous tous qui aimerions par-dessus tout avoir le bon mot, faire le bon geste afin que tout ça se termine rapidement et que ce soit chose du passé. Confinés ou au travail, je considère que nous sommes tous des anges gardiens. Nos actions et nos paroles d’aujourd’hui auront un impact sur ce que sera demain et sur l’espoir d’un monde meilleur !