Je sens peser sur moi l'inévitable; bientôt, sûrement, vous allez me quitter.

Les séances d’allaitement s’espacent et mon bébé grandit. Alors ce soir, dans cette chaise berçante, éclairée par une tortue étoilée, je souhaitais vous dire à quel point je vous aime.

Cet amour, il n’a pas été inné ni facile. Notre relation a commencé alors que vous brilliez de votre absence, malgré mon passage à l’âge adulte. Nous avons finalement fait connaissance, quand vous vous êtes pointé le bout des… quand vous êtes enfin sortis. Votre présence fut alors remarquée et même célébrée par mes ami(e)s avec un May West et une chandelle dans le corridor des résidences du Cégep. J'étais très fière de vous porter enfin! Vous étiez menus, mais bien soutenus, tels deux petites roches! Naïvement, je vous croyais immortels. Quand je repense à cette époque, je m’en veux de ne pas vous avoir aimés à votre juste valeur. J'ai tenu pour acquise votre fermeté.

Puis, vint l’éprouvante épreuve de la montée de lait. Transformation majeure! Je dois avouer, là, vous avez été des champions. Pour ma part, je vous dois un Mea culpa. J'ai eu du mal à m’adapter à vos nouvelles dimensions et surtout à la quantité de regards que vous attiriez. Je n’ai donc pas profité de vous, pendant ces mois, pleins de lait.

J'aurais dû! Ça aurait probablement aidé à traverser la période triste du post-allaitement. Ouf! Vous étiez essoufflés. Avec raison! Ce moment plat m’a permis de contempler ma constante insatisfaction à votre égard. Pourtant vous étiez parfaits, que ce soit l’époque des petites roches et même des obus (meilleur qualificatif pour votre gigantesque présence, désolée). J’avais donc décidé qu’à partir de ce moment, j’allais vous aimer. Et ce, sous toutes vos formes.

En deuxième grossesse, je vous ai portés avec fierté, je vous ai acceptés à chaque étape et j’ai profité de vous, comme vous étiez.

C'est donc avec beaucoup de regret que je constate votre départ imminent, et ce, pour toujours. Car non, il n'y aura pas d'autre bébé.

Si je peux me permettre, je vous invite cordialement à rester un peu gonflés, malgré la disparition du lait. Si vous acceptez, je vous chérirai chaque jour pour le reste de ma vie. Mais je suis raisonnable et je comprendrai si jamais il s’agit d’un adieu.

Je vous pardonne et je vous aimerai quand même. Merci pour les belles années. Vous m'avez bien accompagnée. Vous avez bien nourri mes enfants. Je vous serai à jamais reconnaissante.

Votre combat constant contre la gravité a été honorable, les «filles».

Je vous salue bien bas.

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