Au moment d’écrire ces lignes, nous sommes le 6 décembre 2020. C’est toute une journée, riche en souvenirs et émotions fortes pour moi, ma famille, mais surtout pour mon père.

Il y a 31 ans, un désaxé entrait dans une prestigieuse institution pour y tuer des femmes, juste parce que femmes. J'avais 4 ans à l'époque, je ne pouvais comprendre l'ampleur, l'importance de ce drame. Je sais juste que papa et maman m'ont serrée plus fort ce soir-là avant de me border.

Papa a insisté plus fort dans les semaines qui ont suivi que je pourrais devenir ce que je voulais quand je serais grande. Que je le pourrais, que j'y avais droit et que j'avais l'embarras du choix. Peu importe mon sexe. Il me l’a dit toute ma vie et il me le répète encore. Si je travaille fort, que je marche la tête haute que je parle fort, mais en respectant tous les autres autour de moi : je peux tout faire.

Mon père est féministe. Pourtant, contrairement à tout ce qu’on entend ces temps-ci, il ne l’a jamais dit. Je ne l’ai jamais entendu dire : « Oh moi, je suis féministe! » Cependant, je l’ai vu agir. Ne serait-ce que pour avoir su guider ses deux filles sans leur imposer aucune vision que ce soit, sauf celle du respect de soi.

Il vient d’un milieu rustre. Il a travaillé « sur le bord de la track » toute sa vie. Avec des jeunes, des vieux, des machos, des gênés, mais surtout des grandes gueules. Vous savez, celles qui parlent fort, mais qui ne font pas grand-chose…

Les « bords de track » ne sont pas juste en campagne, ils sont en ville aussi. Où les femmes se promènent librement et font leur vie. Vous pouvez vous imaginer combien il en a entendu, des commentaires disgracieux, insidieux ou carrément dégoutants… Eh bien, pas tant que ça.

Parce que dès la première remarque, mon père agissait. « Que dirais-tu si je te disais que cette femme est ma fille? » « Je m’excuserais tout de suite » qu’ils répondaient souvent (ouain...) « Eh bien, j’en ai deux. Six ans de différence entre les deux. Tu sais l’âge que j’ai alors je peux avoir deux filles, entre 15 et 35 ans. On ne le sait pas. À chaque fois que tu as envie de faire un commentaire que tu ne répèterais pas si c’était ma fille… Dis-toi que cette fille-là, bien c’est la mienne, pis ferme donc ta gue***! »

Agir, les garçons. Dès que ça ne se dit pas. Dès que ça ne se fait pas. Mon père le fait. Pas parce qu’il dit qu’il est féministe… Parce qu’il l’est, profondément. D’ailleurs, il est aussi antiraciste, syndicaliste, son père a été victime des camps de travaux forcés nazis et est aussi pro-science, tout en gardant une belle spiritualité qu’il garde pour lui… Un homme équilibré, quoi. La cause des femmes a toujours été une corde plus sensible pour lui. Peut-être parce que fils d’une, frère d’une, époux d’une, père de deux, oncle de huit et papa adoptif de tellement d’autres!

Il n’est pas parfait (oh non!), mais c’est un allié. Un leader, un vrai… Parce qu’il ferme sa gue*** avec ça et qu’il agit. Et qu’une fois qu’il a agi, il continue sa vie, sans rien attendre en retour. C’est mon héros, pas juste parce que je suis sa (petite) fille et que c’est dans la nature des choses, mais aussi parce que je sais que plusieurs ont la même opinion que moi sur cet Homme. Et c’est ce qui me rend le plus fière.

Que tous les hommes qui veulent devenir un allié lisent ce texte et prennent des notes.

Sur la photo: ma grande sœur, mon papa et une toute petite moi… Quelque part au début des années 1990

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