Quand on lit « les Internets », qu’on parcourt notre fil d’actualités Facebook, que l’on zieute chez le voisin ou même quand on fait l’épicerie, on peut voir l’amour. Deux ados au centre d’achats qui se frenchent à coups de "ch’taime" pour toujours, les best friends qui prennent un selfie dans la salle de bain, l’homme âgé qui tient de tout son être fragile la main usée de sa femme ou même les chatons qui ronronnent derrière la vitre de l’animalerie. Même si la terre ne tourne pas rond dans ce monde qui va trop vite, trop loin et trop fort, j’arrive à voir du gros "love" qui se partage pour de vrai, à travers mon cellulaire, la télé, la radio et même où l’on ne s’y attend pas. Il y a l’amour amitié, l’amour du couple, l’amour de la bouffe et les câlins de famille. Il y a l’amour pour toujours et l’amour d’autrefois. L’amour blanc, l’amour noir et l’amour aveugle. L’amour des animaux de compagnie, de notre mère, de notre père et des autres. On aime les hommes, les femmes ou les deux. Pis l’amour c’est beau, pas toujours rose, mais ça rend fier, ça rend fort pis ça donne le petit coup au cœur pour avancer dans cette brume du monde moderne. J’ai la chance d’être en amour, d’aimer et d’être aimée.

Et puis tout récemment, j’ai eu envie de partager un grand bout de moi. J’avais un trop plein d’amour. Je me sentais assez forte, assez fière pour pouvoir te créer. J’ai eu envie d’aimer de petits orteils, des cheveux d’or et des yeux d'un bleu clair. Quand j’ai compris que j’étais en train de fabriquer la plus grosse aventure qui me serait donnée de vivre, j’étais très excitée. En demandant conseil, on me répétait sans cesse que j’allais enfin connaitre le vrai amour. Celui qui te rentre dans la peau, jusqu’aux os, celui qui ne te déçoit pas, celui qui ne trompe pas, celui qui reste, qui dure, celui qui te pousse toujours un peu plus loin.

J’avais hâte, je n’avais même pas peur. J’ai choisi ton prénom, je t’ai parlé et bercé à travers ma bedaine ronde. J’ai peu dormi, j’ai vomi et j’étais fatiguée. Je n’en avais rien à faire, parce que je savais que bientôt, j’allais être ta maman, ta précieuse, ton amour. Tard le soir, j’ai eu mal, tu m’as fait signe, la rencontre approchait. J’étais prête. Impatiente. J’avais une force bien plus grande que je n’aurais jamais pu croire. Papa nous encourageait, je me concentrais et je voyais le temps passer.

"Est-ce que tu t’en viens petit trésor ? Pourquoi c’est si long, si dur? "

Je respire, je force et je travaille pour nous deux, je te le jure. Ce n’était pas comme cela que j’avais prévu te rencontrer.

"Continue de souffler je t’en pris, ne lâche pas. On est une équipe du tonnerre. Je m’excuse. Je n’y arrive pas. J’ai tout donné mon amour, j’ai fait plus que le possible. "

On va faire autrement. On va aller te chercher, dans le nid que je t’ai fabriqué. On me rassure, on me promet que j’entendrai tes cris. Je n’entends rien, je suis dans ma tête, totalement perdue et impatiente. J’attends. Et puis tes pleurs me prennent par surprise. Mon bébé à moi est là, pas très loin, derrière le drap bleu. Je souris. On me présente ta petite tête rouge et mauve dans un paquet de draps blancs. Je ne pleure pas, je ne ris pas, je ne bouge pas. Papa et toi quittez la pièce rapidement. Je reste là, étendue. Les gros spots de lumières éclairent les outils, le stainless froid et le plafond de tuiles. Les minutes passent. Quand l’on transporte mon corps dans une autre pièce toute aussi froide, blême et triste, je me sens vide. Plus de petits pieds qui frappent dans mon ventre pour me rappeler ta présence. On me fait attendre. Longtemps, trop longtemps. Je ne me rappelle déjà plus les traits de ton visage. Nous sommes séparés depuis des heures. Enfin ! On transporte mon lit vers ma chambre. J’ai peur. Pour la première fois depuis hier soir, je pleure. C’est le dernier virage. Maman arrive.

Tu es là, tout petit, tout mini. Tu es si beau, si fragile, mais si fort. Tu m’attendais. On te dépose sur mon corps, nous sommes nus et ne faisons qu’un. Je te regarde. Durant les prochaines heures, on apprend à se connaitre. Et je cherche, tout au fond de moi, ce que toutes les mamans me promettaient. L’amour fou, l’amour inconditionnel d’une mère à son enfant.

Je n’y arrive pas.

Certes je suis fière de notre équipe, de notre travail, que l’on ait réussi malgré toutes les embûches, mais je n’y arrive pas. Tu portes un tout petit bracelet qui indique que tu es mon fils, mon précieux, mais je n’arrive pas à le ressentir.

Je m’en veux.

Je n’ai pas eu le coup de foudre mon bébé.

Pardonne-moi.

Après 4 longues journées dans cet hôpital, sans intimité, sans repère, je peux enfin te ramener chez toi. Pis j’espère bien que rendu là, on va se bâtir la plus belle histoire d’amour. Tu sais mon ange, je n’ai pas eu le coup de foudre avec ton papa. J’ai appris à le connaitre et à l’aimer. Je te promets que nous deux ce sera plus beau que tout. Que de l’amour j’en ai en dedans.

Mon cher bébé, je comprends aujourd’hui que dans la tempête de ta naissance, je me suis déçue. Je suis la femme forte, la fille sûre d’elle, la fière. J’étais prête, j’étais bonne. Je n’ai pas échoué, mais j’avais prévu une autre finale. Je m’en suis voulue. J’en ai fait des cauchemars pendant des mois. Je me cassais la tête à essayer de comprendre plutôt que de mettre mon cœur contre le tien.

Excuse-moi mon petit loup.

Maintenant, tu es le petit être le plus aimé du monde entier. Je me battrais contre une armée entière pour te protéger. Je te promets, mon petit bébé, que je t’aime plus que tout. C’est vrai que l’amour que l’on porte à notre enfant est irréel, grandiose et pur. Pardonne-moi mon bébé de ne pas avoir eu le coup de foudre. Écoute-moi, regarde à travers mes yeux et regarde le cœur de ta maman. Ton nom y est gravé et notre histoire d’amour ne fait que commencer.

Je t'aime !

4 responses to “Quand je t'ai rencontré, ce ne fut pas le coup de foudre

  1. Je me retrouve dans ce si beau texte. J'ai eu à ,quelques différences près, la même histoire que Karolyn. Je ne comprenais pas pourquoi je n'avais pas ce coup de foudre instantané. Je me sentais dont coupable. Aujourd'hui ma fille a 1an et je ne sais toujours pas comment je fesais pour vivre sans elle. ❤️❤️

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